🔌 Sobriété énergétique de l’État : vraie ambition ou mirage statistique ?

23 juillet 2025
L’État français veut montrer l’exemple en matière de transition énergétique. Bâtiments publics mieux isolés, baisse des consommations, plan de décarbonation ambitieux. Sur le papier, c’est du vert profond. Mais à la loupe, la Cour des comptes y voit surtout… du flou.
Dans son rapport publié le 22 juillet, la haute juridiction financière salue les objectifs affichés mais pointe un pilotage « défaillant », une donnée publique peu fiable, et une gouvernance aux airs de mille-feuille sans recette.
🏢 Moins de gaz, plus d’incertitudes
Premier bon point : entre 2018 et 2023, la consommation énergétique des bâtiments de l’État a baissé de 14 %. Le fioul a fondu de 32 %, le gaz de 24 %, l’électricité de 6 %. Une baisse accélérée en 2022, année de lancement du plan « sobriété ».
Mais attention à la photo trop flatteuse. Les données sont incomplètes, parfois incohérentes entre les ministères, et issues d’outils encore en déploiement (OSFI, ODRIVE…). À tel point que la Cour constate, pince-sans-rire, qu’« rien ne permet d’assurer que la trajectoire énergétique de l’État est suivie de façon fiable ».
Autrement dit : la maison brûle peut-être… mais on a perdu le thermomètre.
🛫 Le carburant, angle mort de la sobriété
Côté mobilités, c’est l’immobilisme. La consommation de carburant de l’État reste globalement stable, et pour cause : le ministère des Armées pèse à lui seul 95 % des usages. Entre véhicules blindés, avions et dérogations multiples, difficile de faire dans la dentelle.
Ailleurs, les marges de manœuvre sont réelles. Des concours comme « Cube État » ont permis de réduire de 6 % à 40 % les consommations dans certains bâtiments pilotes. Mais ces dynamiques locales peinent à se généraliser, faute de moyens d’investissement durables.
⚙️ Objectifs multiples, résultats hétérogènes
L’objectif gouvernemental est clair : -22 % d’émissions d’ici 2027, -80 % d’ici 2050. Le décret tertiaire impose lui -25 % de consommation dès 2026. Mais ces cibles se superposent sans coordination. Résultat : confusion, opacité, démobilisation.
La Cour des comptes recommande de clarifier les priorités, de désigner des responsables formés dans chaque service, et de déployer enfin des outils fiables connectés aux données réelles. Elle préconise aussi de croiser systématiquement données énergétiques et dépenses budgétaires. Un bon vieux principe comptable : suivre ce qu’on paie, pas ce qu’on espère.
🔋 La sobriété à petits pas
Au fond, l’État progresse… par à-coups. La crise énergétique de 2022 a servi de détonateur. Mais sans pilotage structuré, les bonnes pratiques restent ponctuelles. La transition repose sur la bonne volonté des agents, quelques concours internes et une foi quasi religieuse dans les tableaux Excel.
Et pendant ce temps, les bâtiments vétustes, les flottes obsolètes et les systèmes d'information non interopérables freinent les ambitions.
Conclusion ? La sobriété énergétique de l’État est un chantier à haut potentiel mais à pilotage low-cost. Une ambition louable en surface, minée par des outils défaillants, une gouvernance émiettée et des arbitrages budgétaires à la hache. La France veut être exemplaire. Encore faut-il qu’elle sache où elle en est.
🇬🇧 English version
🔌 Energy Sobriety in the French State: Real Strategy or Statistical Mirage?
By the Editorial Team, July 23, 2025
The French government wants to lead by example in the energy transition. Public buildings upgraded, emissions cut, ambitious decarbonization targets — on paper, everything’s green. But France’s Court of Auditors sees more fog than forest.
In its latest report, the Court welcomes the government’s targets but criticizes its execution as “deficient”, with unreliable data and fragmented governance that borders on chaos.
🏢 Less gas, more guesswork
First, the good news: between 2018 and 2023, the State’s energy use in buildings dropped by 14%. Fuel oil use shrank by 32%, gas by 24%, and electricity by 6%. Most of the drop happened in 2022, under the government’s “energy sobriety” push.
But here’s the catch: the underlying data is patchy, inconsistent across ministries, and based on tools still in beta mode. The Court dryly notes that "nothing guarantees that the State’s energy trajectory is being reliably monitored."
Translation: the house may be burning, but we’ve lost the thermometer.
🛫 Fuel: The blind spot of sobriety
Mobility-wise, there’s no progress. Fuel consumption remains flat — because the Ministry of Defense alone accounts for 95% of it. With armored vehicles, military flights, and countless exemptions, cutting emissions isn’t exactly mission-ready.
Elsewhere, the situation is more promising. Initiatives like the “Cube État” challenge helped reduce energy use by 6–40% in pilot sites. But these remain exceptions. Scaling them up would require more than enthusiasm and Excel sheets.
⚙️ Too many targets, too little alignment
France has pledged to reduce emissions by 22% by 2027 and 80% by 2050. The “tertiary decree” mandates a 25% cut in energy use by 2026. But overlapping objectives and unclear timelines breed confusion.
The Court calls for prioritization, trained energy managers in each department, and automated tools that track real energy usage and spending — not just wishful metrics.
🔋 Austerity meets ambition
In short: the State is making progress — in fits and starts. The 2022 energy crisis was a wake-up call, but without clear leadership and sustained investment, good practices remain isolated. The roadmap exists, but the GPS is glitchy.
Bottom line? France’s public sector wants to go green, but it’s still operating on grayscale. Lofty ambitions meet budget constraints, outdated infrastructure, and political short-termism. As always, the devil’s in the data.