Il y a dans l’air quelque chose qui crépite. Une colère froide, compacte, comme ces nuages d’orage qui annoncent moins la pluie que la foudre.
Et pendant ce temps-là, à Paris, on continue de rédiger des décrets depuis des bureaux où l’on ne sait plus très bien distinguer une botte de paille d’une botte de ministre.
La France qui décide et la France qui travaille n’ont jamais vraiment parlé la même langue. Mais aujourd’hui, elles ne s’entendent même plus. L’une déclame – PowerPoint, jargon et « visions stratégiques ». L’autre hurle – parce qu’il n’y a plus rien à perdre lorsqu’on gagne à peine de quoi survivre.
Les dominos tombent, mais pas du même côté de la table
Dans les fermes, les exploitants comptent désormais les jours comme d’autres comptent les huissiers :
– un contrôle,
– un formulaire,
– un abattage « préventif »,
– un chèque qui n’arrive pas,
– un voisin qu’on enterre.
Rappelons-le, à toutes fins utiles : c’est la profession qui détient le record national du taux de suicide. Pas exactement un signe d’une politique publique réussie.
Mais dans les bureaux ministériels, on préfère visiblement collectionner les cerfas comme d’autres collectionnent les timbres. À croire que l’administration se nourrit de paperasse plus que le pays ne se nourrit de blé.
L’État demande des sacrifices, mais n’en fait aucun
On demande aux paysans de protéger leurs troupeaux selon des protocoles pharmaceutiques baroques, puis on débarque pour leur abattre les bêtes, au nom d’un principe de précaution devenu religion d’État.
La maladie en cause ? Non transmissible à l’homme.
Mais enfin, pourquoi s’arrêter à la logique quand l’absurdité marche si bien ?
Et lorsqu’un éleveur lève la voix, ce ne sont pas des conseillers agricoles qu’on envoie. Non.
Ce sont 200 membres des forces de l’ordre.
On déploie un bataillon pour mater ceux qui nous nourrissent… alors qu’on trouve à peine trois scooters et une lampe torche pour aller dans les quartiers où le trafic de drogue tourne à ciel ouvert.
Il y a des priorités dans la vie.
Chez certains, elles sont… originales.
Énarques en lévitation, travailleurs au sol
C’est peut-être ça, la vraie cassure française :
– d’un côté, une caste dirigeante qui n’a plus de comptes à rendre, sûre d’elle, formidablement myope, persuadée que gouverner consiste à corriger des tableurs Excel ;
– de l’autre, ceux qui font réellement tourner le pays, et qui attendent simplement qu’on les considère autrement que comme des nuisances administratives.
À coups de normes délirantes et de budgets acrobatiques, les hauts fonctionnaires ont transformé l’État en une gigantesque machine à fabriquer des kamikazes sociaux.
On pousse, on pousse… et on s’étonne que ça casse.
Un métier presque religieux, traité comme une faute morale
Le monde agricole, c’est la France des stèles :
Ceux qui ont nourri la Nation, fait la guerre, reconstruit le pays deux fois.
Aujourd’hui, on les laisse agoniser sous les dossiers et les mises en demeure.
Ils devraient être dans les champs, mais ils passent leurs nuits à compléter des cases floues dans des formulaires absurdes.
La France du réel, face à la France du virtuel.
Je pense à cet éleveur laitier de 38 ans, deux nuits blanches dans des papiers pendant que sa femme trayait seule.
« Je n’y arrive plus », dit-il.
Il n’est pas le seul.
Mais il est de ceux qu’on n’écoute qu’après leur décès.
La révolte n’est pas un caprice : elle est construite par ceux qui refusent d’entendre
Quand des syndicats non tenus par l’agro-industrie préviennent qu’il y aura une réponse proportionnée si l’État continue ses excès, on rit jaune dans les cabinets ministériels.
On évoque les LBD, les cordons de CRS.
On oublie un détail matériel : un tracteur a plus de couple qu’un fourgon de gendarmerie.
À force de jouer au plus fort, l’État risque d’obtenir ce qu’il redoute le plus :
une rupture ouverte, brutale, probablement ingérable.
Mais les paysans ne cherchent pas le combat.
Ils veulent être entendus.
Ils veulent pouvoir travailler.
Ils veulent qu’on arrête de les prendre pour des coupables en sursis.
Le pays qui s’effondre n’est pas celui des campagnes : c’est celui des salons ministériels
Au fond, la France rurale ne demande pas grand-chose :
– du respect,
– du sens,
– des règles applicables et compréhensibles,
– des prix qui permettent de vivre,
– et un État qui protège au lieu de punir.
Le vrai effondrement n’est pas agricole.
Il est politique.
Il est moral.
Il est administratif.
Tant que Paris continuera de gouverner comme si la nation était un laboratoire et que le peuple n’était qu’une variable, la fracture s’élargira.
Et lorsque le pays tombera, on pourra toujours demander aux énarques de venir bêcher les champs : cela fera sourire cinq minutes.
Ensuite, il faudra repenser un modèle entier.
When Technocrats Play God, It’s the Working Poor Who Bleed: France’s Slow-Motion Rural Revolt
Something crackles in the air these days. A cold, compact anger — less the promise of rain than the threat of lightning.
Meanwhile, in Paris, officials keep drafting new regulations from offices where it’s no longer entirely clear whether they could distinguish a bale of straw from a bale of ministers.
France has always had two countries within one:
– the one that decides,
– and the one that works.
They never spoke quite the same language, but now they don’t hear each other at all. One recites — PowerPoints, buzzwords, “strategic visions.”
The other screams — because you stop whispering once you’re drowning.
The dominos are falling — but all on the same side
In the countryside, farmers count their days like others count threats from the bank.
A control here, a form there, a preventive culling order, a payment that never arrives…
And always, a neighbour to bury.
Let’s repeat the obvious: farming has the highest suicide rate of any profession in France.
Not exactly a gold medal to frame above the fireplace.
But in ministerial offices, the obsession continues: collecting administrative forms the way some collect vintage stamps.
One begins to suspect the state feeds on paperwork more eagerly than the country feeds on wheat.
The State demands sacrifices, but never makes any
Farmers are required to protect their herds through pharmaceutical protocols only a bureaucrat could invent.
And when they obey?
The authorities show up to slaughter their animals anyway — in the name of a precautionary principle elevated into a state religion.
The disease involved? Not even dangerous to humans.
But why stop at logic when absurdity works just fine?
And when farmers finally push back, what does the government send?
Not agricultural specialists.
But 200 members of the riot police.
We deploy an entire battalion to intimidate the people who feed us…
yet struggle to scrape together a handful of scooters to patrol neighbourhoods where drug trafficking operates in broad daylight.
Priorities, priorities.
Technocrats floating above, working people crushed below
This is the true fracture running through France today:
– a ruling caste that has forgotten what accountability looks like, governing through spreadsheets as if they were sacred scriptures;
– and those who actually keep the country alive, waiting — foolishly, perhaps — for respect.
With baroque regulations and acrobatic budgets, the technocracy has turned the State into a factory for manufacturing social suicide bombers.
Push, push, push… and then wonder why the system explodes.
A profession with a sacred mission, treated like a public nuisance
Rural France is the France of memorials, of names engraved on stone.
It’s the country that fed the Nation, fought two world wars, rebuilt the economy, and carried the nation on its back.
Today, that same France is left to die quietly in its barns, strangled by paperwork instead of supported in the fields.
Take this dairy farmer, 38 years old, two sleepless nights spent wrestling with forms while his wife milked alone.
“I can’t do this anymore,” he said.
He’s not the only one.
But he is one of those people the State only listens to once it’s too late.
Revolt isn’t a whim — it’s a policy failure
A few independent unions, not tied to the agro-industry giants, warned the government:
continue on this path and the response will match your disproportionate repression.
In ministerial corridors, they chuckle nervously and whisper about rubber bullets and riot shields.
They forget one small, mechanical detail:
a tractor has more torque than a police van.
Keep escalating, and the government may get exactly the confrontation it claims to fear — one it will be unable to control.
But farmers aren’t looking for a fight.
They want dialogue.
They want to work.
They want to stop being treated like suspects on probation.
The collapse isn’t rural — it’s political
Rural France doesn’t ask for much:
– respect,
– purpose,
– understandable rules,
– prices that allow one to live,
– and a State that protects instead of punishes.
The real collapse isn’t agricultural.
It is political.
It is moral.
It is administrative.
As long as Paris governs the country as if it were a laboratory experiment and the people just variables on a spreadsheet, the fracture will widen.
And when the country finally falls, perhaps someone will ask the technocrats to pick up a shovel and start planting.
They’ll manage for about five minutes.
After that, we’ll have to rebuild an entire model from the ground up.