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Chronique de fin d’annĂ©e politique — UneAutreVie.org

Le budget est censĂ© ĂȘtre “l’acte majeur” d’un gouvernement. En 2025, c’est devenu un exercice de survie.

Le Premier ministre SĂ©bastien Lecornu avait promis qu’il ne dĂ©gainerait pas le 49.3. Une belle dĂ©claration, presque romantique, dans un monde oĂč la politique ne l’est plus depuis longtemps.
Mais Ă  mesure que le texte s’enfonce dans la jungle parlementaire, la promesse a la mĂȘme soliditĂ© qu’un parapluie en papier dans un ouragan.

Nous entrons dans la commission mixte paritaire (CMP), ce grand théùtre oĂč l’on feint de concilier l’inconciliable : une majoritĂ© relative qui peine Ă  compter jusqu’à 289, un SĂ©nat qui joue les percepteurs protestants, et une gauche qui exige 10 milliards pour rĂ©parer les dĂ©gĂąts sociaux du quinquennat.

Bienvenue dans la France de décembre 2025.

1. Le serment anti-49.3 : noble, naĂŻf ou impossible ?

Lecornu s’est engagĂ© : “Nous n’utiliserons pas le 49.3.”
Magnifique. On applaudit. On verse presque une larme.

Sauf que :

l’AssemblĂ©e est un champ de mines,

la loi spéciale ne résoudrait rien,

et les chiffres ne bougent pas parce que quelqu’un l’a dĂ©cidĂ©, mais parce que la rĂ©alitĂ© insiste.

Le Premier ministre se retrouve donc dans une position comique :
les oppositions le supplient d’utiliser une arme constitutionnelle qu’il s’est interdit

Et lui refuse d’utiliser une arme que tout le monde lui demande de sortir.

C’est un peu comme si on exigeait d’un boxeur pacifiste qu’il mette son adversaire KO “mais sans frapper, Ă©videmment”.

2. Le Sénat taille le budget comme un menuisier sous amphétamines

La version sortie du Sénat est un carnage budgétaire méthodique :

6 milliards d’euros de recettes envolĂ©es,

une surtaxe sur les profits exceptionnels rabotée,

des holdings patrimoniales quasi intouchées,

et une indexation du barĂšme de l’impĂŽt sur le revenu encore plus gĂ©nĂ©reuse que prĂ©vu,
caractĂ©ristique d’un optimisme fiscal hors-sol.

Le SĂ©nat fait ce qu’il sait faire : corriger, contraindre, punir.
On sent presque la froideur de la fiscalitĂ© Ă  l’ancienne, celle qui croit que l’ordre public commence aux colonnes du Journal officiel.

Résultat : le déficit remonte à 5,3 % du PIB, loin de la cible gouvernementale.

Et Lecornu observe son budget comme on observe une tarte sortie trop tÎt du four : affaissée, croulante, irrécupérable.

3. À gauche, on rĂ©clame 10 milliards. À droite, on dit “non.” VoilĂ .

CÎté PS, la ligne est claire :
→ 10 milliards d’euros de recettes supplĂ©mentaires pour financer des prioritĂ©s sociales et Ă©viter les coupes.

CÎté Républicains :
→ “Non.”

On ne peut pas dire que ce soit bavard, mais on ne peut pas dire que ce soit flou non plus.

La gauche veut réparer les services publics.
La droite veut rĂ©parer l’orthodoxie budgĂ©taire.
Personne ne se demande comment concilier les deux — c’est un dĂ©tail.

Dans ce tableau dĂ©solant, Horizons tente d’exister, Renaissance tente de survivre, et EELV tente de proposer des amendements dont personne ne lira jamais la totalitĂ©.

4. Loi spéciale, ordonnances
 Une boßte à outils qui sent le bricolage

La Constitution permet beaucoup de choses :

une loi spéciale pour prolonger les crédits,

des ordonnances pour gĂ©rer l’urgence,

et la dette publique pour payer l’addition.

C'est Ă©lĂ©gant sur le papier. Mais politiquement, le dispositif a la stabilitĂ© d’une tente deux secondes en plein mistral.

MĂȘme l’INSEE, d’habitude prudemment diplomate, lĂąche l’idĂ©e que tout ce bazar n’empĂȘchera pas la croissance.
Traduction : mĂȘme sans budget, la France continuera Ă  tourner.
De quoi encourager certains parlementaires Ă  considĂ©rer que rejoindre la table des nĂ©gociations n’est plus une urgence.

5. Un pays qui se fracture politiquement
 et arithmétiquement

La majorité relative est un sport de combat.
Mais ici, nous en sommes Ă  un point oĂč ce n’est plus un sport : c’est un marathon auquel on a oubliĂ© d’inviter les coureurs.

Le paysage politique ressemble Ă  ceci :

une majorité centrale éparpillée,

une gauche qui ne veut pas payer l’austĂ©ritĂ©,

une droite qui refuse de payer la solidarité,

un RN qui attend que tout le monde se trompe,

et un exĂ©cutif qui essaye d’expliquer que 5 % de dĂ©ficit est une ligne rouge
 que personne ne respecte.

Le résultat est simple :
Plus personne ne peut gouverner seul, mais tout le monde fait comme si.

6. Conclusion : gouverner n’est plus choisir — c’est survivre

Ce budget 2026 cristallise la crise politique française mieux qu’un traitĂ© de science politique :

les institutions tiennent debout par habitude,

les coalitions ne coalisionnent plus,

les chiffres ne ferment plus les débats,

et la pratique budgétaire devient une danse hésitante entre promesses contradictoires.

La France n’a plus un budget :
elle a un symptĂŽme.

SymptĂŽme d’un Parlement Ă©clatĂ©, d’un exĂ©cutif isolĂ©, d’une opposition fractionnĂ©e, et d’un pays qui continuera d’avancer
 faute de savoir s’arrĂȘter.

La CMP tentera de faire croire que tout va bien.
Nous savons — et ils savent — que tout va mal.

Le budget 2026 ne dit pas comment la France veut se financer. Il dit comment elle ne sait plus décider.

 

🇬🇧 ENGLISH VERSION — Episode 1

EPISODE 1 — Budget 2026: How to Govern When No One Is Governing Anymore

End-of-year political chronicle — UneAutreVie.org

A national budget is supposed to be a government’s “major act.” In 2025, it has become an act of survival.

Prime Minister SĂ©bastien Lecornu promised he would not use Article 49.3 — a beautiful, almost romantic declaration in a political world where romance has long since died.
But as the bill disappears deeper into the parliamentary jungle, that promise now has the structural integrity of a paper umbrella in a hurricane.

The Budget for 2026 enters the Joint Committee (CMP), the theatre where irreconcilable positions pretend to reconcile:
a minority government that can barely count to 289, a Senate obsessed with austerity, and a left demanding €10 billion to repair five years of social damage.

Welcome to France, December 2025.

1. The Anti-49.3 Oath: Noble, Naive, or Simply Impossible?

Lecornu’s vow — “We will not use 49.3” — was applauded. Almost moving.

But:

  • the National Assembly is a minefield,
  • a “special law” would solve nothing,
  • and numbers do not adjust themselves out of politeness.

The Prime Minister finds himself in an absurd situation:
opposition parties urge him to use a constitutional weapon he forbade himself from touching

and he refuses to use a weapon everyone is asking him to draw.

It’s like demanding a pacifist boxer win by knockout — “but without hitting, obviously”.

2. The Senate Cuts the Budget Like a Carpenter on Speed

The bill emerging from the Senate is a methodical massacre:

  • €6 billion in lost revenue,
  • a heavily trimmed windfall tax,
  • family holdings spared almost entirely,
  • and an even costlier indexation of the income tax brackets.

The Senate does what the Senate does: discipline spending and punish optimism.
A sort of old-school fiscal Protestantism.

Result: the deficit climbs back to 5.3% of GDP, far from the government’s target.
Lecornu watches his budget collapse like a soufflé removed too early from the oven.

3. The Left Wants €10 Billion. The Right Says “No.” End of Discussion.

The Socialist Party demands:
→ €10 billion in extra revenue to fund public services and avoid cuts.

The Republicans respond:
→ “No.”

Concise. Brutally clear.

The left wants reconstruction;
the right wants discipline;
the government wants both without paying for either.
A harmonious triangle of contradictions.

Horizons tries to exist. Renaissance tries not to sink. EELV files amendments nobody will ever read.

4. Special Laws, Ordinances
 The DIY Toolbox of Modern Governance

The Constitution offers multiple escape hatches:

  • a special transitional budget law,
  • ordinances to manage spending,
  • and debt, always debt, to pick up the slack.

This looks elegant on paper, disastrous in practice.
Even INSEE — usually cautious — hints that even without a proper budget, growth will barely move.
Translation: the country will continue running even without decisions.

A dangerous message for a legislature already tempted by procrastination.

5. A Country Fractured Politically
 and Arithmetically

France’s political landscape now looks like this:

  • a minority government spread thin,
  • a left refusing austerity,
  • a right refusing solidarity,
  • a far-right waiting for everyone else to fail,
  • and an executive insisting that “5% deficit is a red line” no one respects.

The result is simple:
No one can govern alone, but everyone behaves as if they could.

6. Conclusion: Governing Is No Longer Choosing — It Is Surviving

This 2026 budget is not a financial document.
It is an X-ray of the systemic political fracture:

  • institutions standing by inertia,
  • coalitions that do not coalesce,
  • numbers that no longer settle arguments,
  • and an executive trying to rule with fewer tools than ever.

The 2026 Budget does not tell us how France will finance itself.
It tells us how the country is losing its ability to decide.

The CMP will pretend everything is under control.
Everyone knows — including them — that it isn’t.