Par vieuxcon â uneautrevie.org
Il fut un temps oĂč la RĂ©publique se brassait au comptoir.
Deux cent mille cafĂ©s, des carafes Ricard, des VRP bavards, et un certain Charles Pasqua, reprĂ©sentant modĂšle devenu ministre de lâIntĂ©rieur.
Entre les annĂ©es 1950 et 1970, la France avait inventĂ© un concept rĂ©volutionnaire sans le savoir : le rĂ©seau dâinfluence financĂ© par la convivialitĂ©.
Aujourdâhui, ce rĂ©seau nâa plus dâodeur dâanis. Il sent la dette.
Le pastis, le pouvoir et les petites mains
Pasqua, avant dâĂȘtre âTonton flingueurâ, fut dâabord un vendeur de pastis.
Il connaissait les patrons de bar, les policiers, les truands â toute la sociologie du zinc.
Quand il devient vice-prĂ©sident du SAC en 1967, il applique la mĂȘme mĂ©thode : serrer la main, observer, fidĂ©liser.
Le fichier client de Ricard devient, métaphoriquement ou non, une base de données du pouvoir gaulliste.
Dans ce territoire liquide, le commerce et la politique sâentremĂȘlent.
On ne distingue plus le représentant de la République du représentant de commerce.
Et câest peut-ĂȘtre lĂ quâest nĂ©e la pathologie budgĂ©taire française : le mĂ©lange des genres entre service public et service rendu.
Du SAC à McKinsey : la nouvelle République des réseaux
Quand le SAC a disparu, la méthode est restée.
Les rĂ©seaux dâhier â barbouzes, intermĂ©diaires, caisses noires â ont mutĂ© en versions PowerPoint.
Aujourdâhui, ils sâappellent McKinsey, Capgemini, Havas, ou encore âagences interministĂ©riellesâ.
LâĂtat ne paie plus des copains au bar, il paie des cabinets de conseil.
Mais le mécanisme est identique : externaliser sans contrÎle, dépenser sans visibilité, contourner la responsabilité.
RĂ©sultat : des milliards sâĂ©vaporent chaque annĂ©e dans les tuyaux de la sous-traitance politique.
Le dĂ©ficit public nâest plus seulement une question Ă©conomique : câest une question de culture administrative hĂ©ritĂ©e du piston.
Le déficit fantÎme
Selon lâInsee (septembre 2025), la France affiche un dĂ©ficit de 5,2 % du PIB.
Officiellement, il sâexplique par les âdĂ©penses de transitionâ et la âprotection du pouvoir dâachatâ.
Officieusement, une part croissante du budget file dans des zones grises :
budgets de communication politique,
contrats de conseil hors appel dâoffres,
agences parapubliques aux missions redondantes,
dĂ©penses de sĂ©curitĂ© et dâinfluence classĂ©es âconfidentielâ.
Autrement dit : une part inavouable du dĂ©ficit, hĂ©ritĂ©e dâun demi-siĂšcle de pratiques oĂč lâĂtat sert aussi Ă entretenir des fidĂ©litĂ©s.
La dette, ce nâest pas que lâargent : câest la mĂ©thode
Quand on dit que la France âvit Ă crĂ©ditâ, on oublie souvent de prĂ©ciser :
à crédit de transparence.
Pasqua et sa génération ont bùti un pouvoir fondé sur la loyauté personnelle.
Aujourdâhui, cette loyautĂ© se monnaie en honoraires, missions, sous-traitances et audits inutiles.
La logique est la mĂȘme : payer pour maintenir le rĂ©seau, pas pour amĂ©liorer le service public.
Et chaque euro dĂ©pensĂ© sans contrĂŽle, chaque rapport payĂ© pour ĂȘtre oubliĂ©, câest un dĂ©ficit qui ne dit pas son nom.
Une République soluble dans le pastis
On croyait que le clientĂ©lisme sâĂ©tait dissous avec les comptoirs Ricard.
Erreur : il sâest simplement digitalisĂ©.
Le âterritoire liquideâ de Pasqua coule encore dans les veines budgĂ©taires du pays, sous dâautres formes.
La dette publique nâest plus seulement Ă©conomique : elle est morale.
Câest le prix de cinquante ans dâopacitĂ©.
Et comme disait un ancien ministre, le regard noyé dans son verre :
âEn France, on ne manque pas dâargent. On manque de mĂ©moire.â
đ§© Pour aller plus loin
đ Prochaine enquĂȘte : âDĂ©ficit fantĂŽme II â Les circuits parallĂšles du budget de lâĂtat : entre sĂ©curitĂ©, conseil et silence comptable.â
đïž From Pastis to Deficit: How France Drank Its Transparency
By vieuxcon â uneautrevie.org
Once upon a time, the French Republic was brewed at the counter.
Two hundred thousand cafĂ©s, Ricard carafes, talkative salesmen â and a certain Charles Pasqua, a pastis salesman who became Minister of the Interior.
Between the 1950s and the 1970s, France invented â without naming it â a political network financed by conviviality.
Today, that same network smells less of anise and more of debt.
Pastis, power, and the art of small favours
Before being a âTonton flingueurâ, Charles Pasqua was a top salesman.
He knew every bartender, every cop, every crook â the full sociology of the counter.
When he became vice-president of the SAC in 1967, he applied the same formula: shake hands, observe, build loyalty.
The Ricard client list became, metaphorically or not, a database of Gaullist influence.
In this âliquid territoryâ, business and politics intertwined.
The line blurred between the salesman and the statesman.
And thatâs perhaps where Franceâs chronic illness began: the confusion between public service and personal service.
From SAC to McKinsey: the new Republic of networks
When the SAC was dissolved, the method survived.
The old networks â fixers, insiders, shadow funders â mutated into PowerPoint slides.
Today, theyâre called McKinsey, Capgemini, Havas, or âinterministerial agenciesâ.
The State no longer pays drinking buddies; it pays consultants.
But the mechanism is identical: spend without oversight, decide without accountability, and keep the network alive.
Billions evaporate every year through outsourced âexpertiseâ.
Franceâs deficit isnât just economic â itâs cultural.
The phantom deficit
According to the French national statistics office (Insee, Sept. 2025), the public deficit stands at 5.2 % of GDP.
Officially, itâs due to âtransition expensesâ and âprotection of purchasing powerâ.
Unofficially, a growing share of the budget flows into grey zones:
political communication contracts,
consulting fees awarded without tender,
redundant public agencies,
classified spending on security and influence.
In other words: a hidden share of the deficit, the continuation of fifty years of untraceable loyalties.
Debt is not just money â itâs a method
When we say France âlives on creditâ, we forget to add:
on credit of transparency.
Pasqua and his generation built power through personal loyalty.
Today, that loyalty comes in the form of invoices, consulting missions and padded reports.
The logic is the same: pay to maintain influence, not to improve public service.
Every euro spent without scrutiny, every audit paid to be ignored, adds to the invisible deficit â the one no minister will ever admit.
A Republic soluble in pastis
We thought clientelism had faded with the café counters.
Wrong. It just moved to the cloud.
The âliquid territoryâ that Pasqua once ruled still flows through Franceâs fiscal veins â only now itâs digital.
Public debt is no longer just a financial issue; itâs a moral one.
Itâs the price of fifty years of opacity.
And as an old minister once muttered, staring into his glass:
âIn France, itâs not money weâre short of â itâs memory.â
đ§© Coming next
đ Phantom Deficit II â The Parallel Circuits of the French Budget: Security, Consulting, and Silence.