Budget 2025 : chronique d’un naufrage budgétaire annoncé

« L’État dépense trop, il faut baisser la dépense publique ! » : ce refrain martelé par les gouvernements successifs cache une réalité plus nuancée, voire inverse. Le budget 2025 confirme un processus enclenché depuis plusieurs décennies : l’effondrement des recettes, la hausse des transferts aux entreprises, la clochardisation des services publics. Et un déficit abyssal.
1. L’arithmétique brutale du néolibéralisme
Contrairement au discours dominant, ce ne sont pas tant les dépenses publiques qui explosent que les recettes qui s’effondrent. En 1985, l’État français prélevait environ 18 % du PIB ; en 2024, il n’en prélève plus que 12 %, alors que les dépenses restent proches de 19 %. Résultat : un déficit structurel, devenu chronique.
🔍 En 2025, le budget prévoit 309 milliards d’euros de recettes pour… 448 milliards de dépenses. Soit un déficit prévisionnel de 139 milliards d’euros, représentant 45 % des recettes. Du jamais vu en dehors d’une période de guerre ou de pandémie.
2. La clochardisation des services publics
Les dépenses de fonctionnement (éducation, hôpitaux, sécurité, infrastructures…) sont taillées à la hache depuis des années, tandis que les transferts financiers explosent. Mais pas n’importe lesquels : ce sont avant tout les subventions aux entreprises qui flambent.
➡️ Depuis 2013, ces aides ont quadruplé pour frôler les 60 milliards d’euros annuels. Et ce chiffre ne comprend pas les exonérations fiscales, crédits d’impôt ou allègements de cotisations.
💬 En 2019, France Stratégie chiffrait les aides publiques aux entreprises à 153 milliards d’euros, soit près de 6,5 % du PIB. Une politique de soutien massif financée par… la dette.
3. Qui profite du budget ? Pas les services publics.
Trois des cinq principales missions de l’État en 2023 étaient directement orientées vers les entreprises : compensation des baisses de charges, soutien à l’économie, énergie. À l’inverse, les dépenses d’investissement et de personnel chutent, aggravant la crise des hôpitaux, de l’éducation, de la justice…
📉 Le budget 2025 poursuit cette tendance, avec une baisse de 4 % des dépenses en volume, soit 1 point de PIB en moins injecté dans l’économie.
4. Les recettes sacrifiées au nom de la compétitivité
La politique fiscale du quinquennat Macron aura surtout bénéficié aux grandes entreprises et aux plus riches : suppression de l’ISF, baisse continue de l’impôt sur les sociétés, allègements de charges.
💸 Résultat : en 2025, l’impôt sur les sociétés rapportera 53 milliards d’euros… contre 28 en 2018. Non pas grâce à une hausse d’imposition, mais parce que les profits ont explosé.
📈 Le bénéfice taxable des entreprises françaises a atteint en 2023 des niveaux records. Un indicateur prédictif… de crise, selon certains économistes.
5. Un déficit hors de contrôle… et mal anticipé
Depuis 1977, la France n’a jamais connu de budget de l’État à l’équilibre. Mais le rythme s’est accéléré : 200 milliards d’euros de déficit en 2020, 150 milliards en 2024. Le déficit 2025 s’annonce supérieur à 5 % du PIB, loin du seuil des 3 % théoriquement imposé par l’Union européenne.
⚠️ Ce fameux « critère des 3 % », inventé par un haut fonctionnaire français en 1982 sans fondement économique réel, n’a été respecté que 4 fois depuis 20 ans.
Et pourtant, il est devenu une règle sacrée, utilisée pour justifier les politiques d’austérité… tout en maquillant l’ampleur réelle des déséquilibres budgétaires.
6. La France dans les profondeurs européennes
En 2024, la France figure au 24e rang sur 27 pays de l’UE en matière de déficit public. Derrière l’Espagne, la Belgique, l’Italie. Seuls la Pologne, la Slovaquie et la Roumanie font pire.
Comparée à l’Allemagne ou aux Pays-Bas, la France souffre d’une gestion déficitaire structurelle, aggravée par le refus de réformer les aides aux entreprises ou d’augmenter la fiscalité sur les plus aisés.
7. Les conséquences à venir : austérité et récession
Face à cette impasse, la Commission européenne exige une réduction drastique du déficit. Et sans augmentation des recettes, le gouvernement n’a qu’une solution : couper encore plus dans les services publics.
Mais cette stratégie est à double tranchant :
Moins de dépenses publiques = moins d’activité économique
Moins d’activité = moins de recettes fiscales
Moins de recettes = déficit persistant
C’est le piège de l’austérité.
8. Ce qu’il faut retenir
📉 Les recettes de l’État s’effondrent depuis 40 ans, au profit des plus riches.
💸 Les aides publiques aux entreprises atteignent 160 milliards d’euros, sans contrepartie sérieuse.
🏥 Les services publics se dégradent : hôpitaux, écoles, tribunaux sont exsangues.
💣 Le déficit de l’État atteint un niveau explosif, sans perspective sérieuse de retour à l’équilibre.
❌ La croissance est surestimée dans les prévisions, et la dette augmente plus vite que le PIB.
🧭 Perspectives
Dans les années à venir, la France devra choisir entre deux voies :
L’austérité aveugle, imposée par Bruxelles, qui amplifiera la crise sociale et affaiblira les services publics.
Une réforme fiscale ambitieuse, redistributive, visant à rétablir des recettes solides pour l’État et à mettre fin aux cadeaux fiscaux inefficaces.
L’avenir du pays se joue dans ce choix. Sur uneautrevie.org, nous continuerons à documenter et analyser cette bataille cruciale pour l’avenir de nos services publics, de notre modèle social… et de notre démocratie.